Les grands noms

Esther Bick est une psychanalyste née en Pologne en 1901 et morte le 21 juillet 1983 à Londres. Elle dut quitter son pays natal pour aller se former à Vienne en médecine. Elle s’intéresse d’emblée à l’observation des nourrissons, en particulier les bébés jumeaux. D’une méthode objectivante, elle est passée à une approche plutôt subjectivante visant à une sensibilisation au regard et à l’écoute des tout premiers mouvements de transformations psychiques. Elle travailla notamment avec John Bowlby. Elle perdit une grande partie de sa famille dans les camps de concentration. A cette époque elle faisait une analyse avec Michael Balint, plus tard une seconde avec Mélanie klein. Ses travaux qui tiennent en peu d’articles et s’appuient sur l’identification adhésive (D. Meltzer, 1975) ont ouvert de nouvelles voies de recherche sur la peau en tant que première enveloppe psychique quand le développement du Moi achoppe à la constitution de contenant. En France, c’est Geneviève et Michel Haag qui ont introduit et enseignent sa technique.

Wilfred R. Bion est né au Pendjab (Indes) en 1897 et décédé en Angleterre en 1979. Son oeuvre a marqué profondément l’évolution de la pensée psychanalytique contemporaine. Homme de grande culture, chercheur infatigable, analyste de patients difficiles dont Samuel Beckett, il s’est particulièrement intéressé à l’analyse de la pensée psychotique, à ce qui peut rapprocher le « névrotique insensé » et le « fou sensé », et aux obstacles que rencontre l’analyste dans le maniement psychique de la douleur, de l’effroi, de l’incommunicable et de l’inconnaissable. Soucieux d’étayer le statut épistémologique de la psychanalyse, il fut à la recherche d’un outil d’analyse et de formalisation scientifique à l’aide d’une méthodologie qui utilise des modèles physiques et mathématiques. Nourri par l’oeuvre de S. Freud et par celle de M. Klein, il a élaboré une théorie psychanalytique très originale de l’activité de pensée et de ses formes les plus précoces: les proto-pensées. W. R. Bion laisse une oeuvre considérable, riche et complexe. Tout au long de sa vie, il est resté ouvert, sans aucun a priori, à toute idée qui pouvait l’aider à atteindre les objectifs de sa recherche, ceux de la psychanalyse.

Peter Blos, mort le 12 juin 1997 dans le New Hampshire, étudie les Sciences de l’Education en Allemagne où il né en 1904. Il se voit confié par Ana Freud la création d’une école pour enfants en analyse, ce qu’il réalise notamment avec son ami psychanalyste Erik Erikson. Il entame sa propre formation psychanalytique à Vienne et la poursuit aux Etats-Unis en raison de la montée du nazisme. Il est l’un des premiers psychanalystes d’enfant et d’adolescent. De sensibilité spirituelle et d’orientation pédagogique, son enseignement aura surtout porté sur la clinique des jeunes. Il entendit comblé les lacunes de la théorie freudienne qui s’était arrêtée au début et à la fin de l’adolescence. cette période critique. Il développa une conception et une technique de la cure différenciant les étapes allant de la latence à la post-adolescence. Reprenant les concepts de M. Mahler, il définit un « second processus d’individuation » davantage lié aux imagos parentales qu’aux personnes réelles et que facilite la régression au service du Moi. Sa théorie unifiée du développement de la personnalité le rend célèbre en tant que pionnier de la clinique de l’adolescence dont il souligne les capacités intégratives.

René Diatkine, psychiatre et psychanalyste, est né en 1928 à Paris et y est mort en 1997. Après une première analyse avec J. Lacan, il réfutera par la suite ses idées. Il fait une deuxième analyse avec S. Nacht. Avec J. de Ajuriaguerra qui travaille avec des enfants présentant des troubles moteurs et du langage, il développe la collaboration avec des psychologues, logopédistes et psychomotriciens. Il imprime en France et à Genève, un essor important à la psychiatrie de par son approche psychanalytique et humaine. A côté de son activité de psychanalyste, il participe activement au développement de pratiques originales qui élargissent le champ d’application de la psychanalyse comme la prise en charge pluridisciplinaire des patients, le psychodrame individuel, le travail avec les enseignants. S’opposant à toute idée réductrice ou excessivement structuraliste, il rappelait l’existence de potentialités psychiques latentes rendant les réorganisations psychiques toujours possibles. Travaillant comme psychanalyste d’enfants, il développe sa conception du rôle des fantasmes originaires.

Anna Freud est née à Vienne le 3 décembre 1895 et décédée à Londres le 9 octobre 1982. Née en Autriche puis exilée en Angleterre en 1938, elle fut l’une des pionnières de la psychanalyse d’enfants, aux côtés de son amie Dorothy Burlingham. Elle était la sixième et dernière enfant de Sigmund et Martha Freud. Son premier cas d’analyse d’enfant a été W. Ernest Freud, « l’enfant à la bobine », son neveu. En 1927,elle écrit Introduction à la psychologie des enfants, point de départ d’un grand conflit avec Mélanie Klein. Pour Anna Freud, institutrice de formation, la psychanalyse doit avoir un rôle pédagogique et éducatif. Sa technique repose sur une conception du Surmoi post-oedipien, alors que M. Klein le situe à un moment très précoce. Très impliquée durant la seconde guerre mondiale auprès d’enfants victimes et orphelins, elle crée en 1952 la Hampstead Child Therapy Clinic où seront formés d’innombrables analystes d’enfants. L’influence d’Anna Freud se manifestera aussi dans l’ego-psychology, « psychologie du Moi », école qui s’est beaucoup développée aux Etats-Unis.

Mélanie Klein est née en 1882 à Vienne et décédée en 1960 à Londres. Elle fut à la tête d’un important mouvement psychanalytique anglais. Ses apports théoriques et cliniques furent considérables et suscitèrent de nombreux débats et controverses. Elle pratiqua la psychanalyse d’enfants dans un cadre strictement psychanalytique, considérant le jeu de l’enfant comme l’équivalent des associations libres du patient adulte. Sa technique se distinguait du cadre plus « éducatif » préconisé par Anna Freud. Klein défendit l’idée que des conflits de type oedipien survenaient très tôt dans le développement de l’enfant. Elle introduisit notamment les concepts originaux de positions dépressive et schizo-paranoïde, chacune étant associée à des types d’angoisse et de mécanismes de défense qui lui sont propres. La pensée de Klein, controversée mais incontournable dans la formation de tout psychanalyste, fut également à l’origine d’importants développements théorico-cliniques ultérieurs en psychanalyse d’enfants, d’adolescents et d’adultes.

Moses Laufer est né en 1928, mort en 2006. Son nom est attaché à l’essor de la psychanalyse des adolescents auxquels il a consacré l’essentiel de sa carrière. Il a fait des études sociales au Canada, a travaillé en Israël et s’est installé à Londres pour y devenir psychanalyste. Il a fait sa formation à la Société britannique de Psychanalyse parallèlement à son travail social dans des quartiers défavorisés. Il a côtoyé Anna Freud et a défendu auprès d’elle la psychanalyse des adolescents dont elle n’était a priori pas convaincue. Il a contribué à l’ouverture d’un centre de consultation pour adolescents et était engagé dans l’accessibilité à des cures gratuites. Il a œuvré au développement de centres similaires et de la reconnaissance des traitements d’adolescents. L’originalité de ses apports très riches par ailleurs est la place du corps qu’il donne à la psychopathologie des adolescents, le développement du concept de breakdown pour cette catégorie d’âge et d’impasses. En étant la cible privilégiée d’attaques destructrices, le corps met la pensée partiellement à l’abri. Il a collaboré à la revue « Adolescence », fondée en 1983 autour de François Ladame et autres analystes connus.

Serge Lebovici est né à Paris en 1915, issu d’une famille juive émigrée de Roumanie, il décéda en 2000. Après la Guerre il entreprend une analyse avec Sacha Nacht et adhère au parti communiste. Ultérieurement il aura à choisir entre ces deux affiliations, alors qu’il ne prit pas parti lors des controverses opposant A. Freud à M. Klein. Il devient membre titulaire de la SPP en 1952 en même temps que R. Diatkine avec lequel il créera nombre d’institutions psychiatrique pour enfants et adolescents, collaboration qui donnera sa marque spécifique au mouvement psychanalytique français. Il est un des fondateurs su psychodrame analytique individuel et préside l’API durant quatre ans. Dans les années 1980, il crée un service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent à l’Hôpital Avicennes à Bobigny où il enseigne jusqu’à l’année de sa mort. Nombreux sont ses travaux traitant du nourrisson, des interactions mère-bébé et des transmissions intergénérationnelles. Plus de 500 références bibliographiques retracent son oeuvre de la fameuse formule « l’enfant investit sa mère avant de la percevoir » au Traité de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent codirigé par M. Soulé et R. Diatkine.

Margaret Mahler est née à la fin du XIXe siècle en Hongrie et elle est morte en 1985 aux Etats-Unis. Elle étudie la médecine et ouvre un cabinet de pédiatrie à Vienne tout en fréquentant des psychanalystes tels que A. Aichhorn, K. Abraham, A. Freud, et H. Deutsch, sa première analyste. En suite de son mariage, elle migre aux USA et installe une pratique d’analyste, jouant après la guerre un rôle toujours plus important dans les Universités et la recherche. Dès 1952 elle décrit la psychose symbiotique à distinguer de la forme autistique. S’appuyant sur les travaux de l’ego-psychology et la notion de « moi autonome primitif », de R. Spitz et de D. Winnicott, elle élabore une théorie du développement suivant le processus de séparation-individuation. Après la naissance suit une gestation psychique commençant par une phase autistique normale avant que le bébé ne forme avec sa mère une unité duelle mais toujours au sein d’une frontière commune. La consolidation de l’individualité coïncide avec les débuts de la permanence de l’objet émotionnel.

Donald Meltzer est né dans le New Jersey en 1922 et décédé le 13 août 2004. Elevé au sein d’une famille juive émigrée de Lituanie, il accomplit ses études de médecine dans différentes universités et hôpitaux où il développe son intérêt pour les enfants psychotiques et la psychanalyse. Comme il décide de se consacrer à l’enfance, il se rend à Londres pour entreprendre une psychanalyse avec Mélanie Klein. Il suit sa formation à la Société Britannique de Psychanalyse dont il devient rapidement membre formateur, fonction à laquelle il renonce en 1985 en raison de différents idéologiques avec l’establishment kleinien. Son enseignement néanmoins s’étend sur plus de cinquante ans et c’est toute une génération de psychanalystes du monde entier qui a bénéficié de sa créativité. Avec plus de dix livres et plus de cinquante articles, ses apports à la compréhension du psychisme de l’enfant, du traitement psychanalytique des perversions, des états narcissiques et de l’autisme sont impressionnants. L’identification projective est à la base de nombre de ses conceptualisations dont la masturbation anale, l’identification adhésive, le démantèlement et la non-pensée chez les autistes et le claustrum dans les phénomènes claustrophobiques. La notion de « conflit esthétique », phénomène précoce dans la relation du bébé au monde externe, n’est pas étrangère à sa vision de la psychanalyse comme une forme d’art.

Michel Soulé est un psychanalyste et professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent français. Il est né en 1922 et décédé en 2012. Avec Serge Lebovici, il est dès 1950 un des pionniers de la « psychanalyse précoce » et de la psychiatrie néonatale. Il a fondé et/ou dirigé plusieurs institutions de prise en charge, de formation et de recherche autour du soin psychique de l’enfant et de l’adolescent. Il a participé à la mise en place de collaborations avec les crèches et avec l’école maternelle afin de favoriser la prévention précoce. Inspiré par les thèses de René Spitz sur le syndrome d’ « hospitalisme », il s’est consacré aux questions d’adoption, de filiation, de placement et de périnatalité. Il s’est intéressé aux problématiques entourant les processus d’adoption et de procréation médicalement assistée. Il a entre autres fondé un hôpital de jour pour enfants autistes et psychotiques très jeunes et, parmi ses nombreux écrits, corédigé des ouvrages de psychiatrie infantile.

René Mises est psychanalyste et professeur de pédopsychiatrie. Il est né en 1924 et décédé en 2012. Il fut résistant pendant la Deuxième Guerre Mondiale. Comme d’autres psychanalystes de son temps, il a développé en France une pratique de la clinique psychiatrique des enfants basée sur un travail d’équipe pluridisciplinaire avec des éducateurs, psychologues, pédagogues aux côtés des psychiatres et infirmiers tout en s’appuyant sur la psychanalyse mais s’inspirant aussi d’autres courants. Il a notamment rédigé la classification française des maladies mentales de l’enfant et l’adolescent qui conserve certains critères propres à la psychanalyse tout en les intégrant à une démarche psychiatrique descriptive. Pour Mises, l’existence d’un ensemble de symptômes, même bruyants ne constitue pas à lui seul une pathologie, d’autant plus que l’enfant et l’adolescent ne peuvent pas renvoyer à un état constitué. Il se démarque à l’époque des classifications internationales DSM et CIM dont les approches sont exclusivement descriptives et dont les rubriques consacrées aux enfants et aux adolescents sont insuffisantes.

René Spitz est un psychiatre et psychanalyste américain d’origine hongroise, né en 1887, décédé en 1974 à Denver. Il fut le premier à faire une analyse didactique avec Freud en 1919. Il a vécu à Paris où il intervint dans plusieurs conférences et séminaires. Il poursuit une voie psychanalytique « scientifique et expérimentale », qui prend en particulier pour objet l’observation directe des nourrissons en milieux institutionnels. Il introduit les diagnostic d’ « hospitalisme » et de « dépression anaclitique ». Ses travaux les plus connus portent sur la relation primaire du nourrisson avec sa mère. Il y propose trois stades de développement entre 0 et 2 ans. Le stade « préobjectal » marqué par la non différenciation entre le nourrisson et sa mère, le stade du « précurseur » de l’objet et enfin le stade de « l’objet libidinal » où l’enfant reconnait sa mère comme un véritable partenaire et distingue son visage de ceux des étrangers. Enfin, l’apparition du geste et du mot « non » signale la naissance du Moi autonome. Pour Spitz, les processus psychiques profonds peuvent ainsi être identifiés par des indicateurs comme le sourire qui témoignent de l’existence « d’organisateurs du psychisme » et des mouvements de la maturation de l’enfant.

Frances Tustin est née en Grande Bretagne le 15 octobre 1913 et décédée près de Londres le 11 novembre 1994. Son engagement psychanalytique, suivant des années d’enseignement, est étroitement lié à son histoire personnelle faite de pertes marquantes. Elle se forme à la Tavistock Clinic et fait une longue analyse avec W. Bion. C’est avec Marion Putnam qu’elle s’intéresse de très près aux enfants autistes. Elle découvre que la séparation de la mère, quand le Moi n’est pas encore bien constitué ni apte à s’auto-représenter, n‘entraîne pas qu’une angoisse de perte mais une véritable sensation d’arrachement corporel, équivalent à l’amputation de l’axe bouche-mamelon. Une classification en quatre types d’autismes en découle dont la défense en carapace. Le monde autistique est bidimensionnel et les relations aux objets sensoriels sont adhésives, par collage. F. Tustin a aussi décrit des enclaves et barrières autistiques chez des personnalités adultes.

Donald Woods Winnicott occupe dans le panorama de la psychanalyse infantile une place à part, marquée par son originalité, sa créativité et sa position en marge des deux écoles britanniques conduites par A. Freud et M. Klein. Né le 7 avril 1896 et décédé le 25 janvier 1971 en Grande-Bretagne, il se forma après la Grande Guerre comme pédiatre mais, jeune marié, il commença une analyse avec J. Strachey qu’il poursuivit plus tard avec J. Riviere, devenant analyste d’enfants en 1930. Durant les Controversial Discussions (1941-1945), il ne rallia aucun des deux camps en raison de son attachement à « l’environnement » comme facteur déterminant, soit un milieu facilitant ou qui au contraire une mère ne répondant pas aux besoins de son enfant. La seconde guerre mondiale lui donna maintes occasions d’observer les méfaits de la séparation et les conduites antisociales en conséquence de « la déprivation ». Très influent auprès du Middle Group, il conçut « l’espace transitionnel » comme une aire de jeu où les identités n’ont pas encore à se définir. Très actif auprès des divers acteurs de la santé mentale, il ne ménagea aucun effort pour s’adresser à tous les cercles possiblement intéressés et avec un langage toujours simple et accessible. Incalculables sont les publications de cet auteur dont certains ouvrages de vulgarisation.